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- HISTOIRE DU POITOU
AU XXe SIECLE-
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Les demoiselles
de Metz à Romagne 1/2
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Par Yvon PAUTROT
En 1939, l'Ecole normale de Jeunes filles réalisa au cours de son repliement l'idéal d'une institution de ce genre. Elle eût cette chance particulière de trouver à Romagne au château du Parc un abri rustique pour ses 105 élèves évacuées. Après quelques rapides travaux la maison fut adaptée très intimement aux besoins d'une Ecole normale. Située au centre d'un parc magnifique avec 45 hectares de forêts elle constituait un séjour agréable et une véritable station d'air pur où les élèves se faisaient une excellente santé. Le ravitaillement abondant, sinon facile, contribuait pour une grande part à cet état de choses particulièrement satisfaisant. Cependant l'aspect le plus humain de cette réalisation est que l'Ecole normale de Metz y avait transplanté son âme. Le personnel en entier, sans une défection y avait accompagné Melle MARTIN, femme admirable dont le courage et l'abnégation n'ont pu être voilées que par une modestie incapable de diminuer en quoi que ce soit la somme de ses mérites. Je la revois, digne et fière, comme une grande française devant le Directeur de la L.B.A. de Metz, venu, avec l'aide d'un officier allemand pour enlever et faire trans-porter à Metz tout ce que possédait l'Ecole. Elle demeu-ra debout malgré la fatigue et l'émotion pour que l'officier ne puisse s'asseoir sans manquer aux règles les plus élémentaires de la courtoisie dont il faisait étalage. Mademoiselle Houin se souvient "J'ai retrouvé lEcole Normale fin novembre 1939, à Ro-magne, à environ 40 kilomètres au sud de Poitiers. Elle était installée dans le beau château du Parc, bordé par le Clain. Loger une centaine de personnes n'avait pas été
facile. Mlle Tertinville, Économe, s'était dépensée
pour faire aménager des dépendances en dortoirs, en salles
de classe, pour faire installer des sanitaires, des douches, Les professeurs logeaient au village de Romagne, à 2 kilomètres du Parc, bien accueillis par la population, mais logés, comme les gens, dans des maisons sans confort. Pour l'eau, il fallait aller au puits, au milieu du village. Le trajet pour le Parc avait son charme à la belle saison, mais il usait les souliers. A partir d'un certain moment, il fallut recourir aux solutions de fortune: laisser une paire de souliers au Parc, faire le chemin, soit en sabots comme Mlle Hurstel, soit en galoches: le cordonnier du village remplaçait la vieille semelle usée par une semelle de bois quand l'empeigne tenait encore à peu près. Tout cela manquait d'élégance, mais c'était l'idéal pour réchauffer les pieds. Au Parc, les élèves se promenaient aussi
en sabots et en capes. Le froid, les engelures, nous les avons connus,
mais on se consolait: les gens de la Vienne aussi avaient des mains
rouges, gonflées. Mon épicière, la pauvre Mme Petit,
avait des engelures ouvertes. Comme je lui proposais un jour de rapporter
un remède de Poitiers, elle a protesté : Ah! non,
pace que si i fais fermer les engelures, i aurai eune brochite'.
Entre deux A l'école, les anciennes granges, devenues dortoirs, étaient chauffées le soir, pour la toilette ; mais la nuit, le froid entrait. Les élèves luttaient à leur manière. Au réveil, personne ne descendait du lit, mais on voyait les édredons s'animer de mouvements de vagues, et c'est à peu près habillées qu'elles quittaient la chaleur du lit. Le soir, les affaires, bien pliées, avaient été glissées sous l'édredon. Il est des situations où on ne gaspille rien ! Quelques-unes occupaient des chambres du château, à cinq ou six. Nos élèves venaient en stage à Romagne où elles retrouvaient les bonnes maîtresses d'école annexe que furent Mlle Lacroix, Mlle Morlot, Mlle Heintz (à présent Mme Ballèvre). Elles remplaçaient des instituteurs prisonniers, et je sais combien elles étaient appréciées par les parents. Celle qu'on admirait peut-être le plus, c'était Mlle Lacroix qui avait les grands garçons, et, elle, petite, fragile, avait su s'imposer à toute la bande. Ah ! Mamzelle Lacroix, me disait une maman, c'est quelqu'un. Vous savez, les grands drôles, elle les tient !. Des coups durs, nous en avons eus. Plus que d'autres, nous portions le poids du malheur de notre pays, puisque notre province avait été reprise au mépris de tout traité, puisque, pour plusieurs d'entre nous, les familles avaient été expulsées, puisque des personnes que nous connaissions, admirions, étaient emprisonnées, puis déportées. Le Parc était un havre où on vivait très proches les unes des autres, où une confiance totale régnait. Notre langage même était renouvelé : Mlle Hurstel ne parlait plus du ventre, mais du Gott mit uns, inscription sur la boucle du ceinturon allemand. On pouvait parler, transmettre les nouvelles de la radio anglaise aux élèves, sans crainte, non pas d'une dénonciation, c'était hors de question, mais d'une indiscrétion, d'un bavardage. On savait se taire quand il le fallait. La Gestapo nous a fait l'honneur de ses visites, inutilement. Les jeunes peuvent être formidables. |
En 1941, lÉcole Normale fut rouverte à Metz, avec un directeur allemand. Un jour de juin, arrive au Parc, vers midi et demie, à toute allure sur sa bicyclette, un jeune garçon de Romagne. Il venait de la part de M. Giraud, maire, prévenir Mme la Directrice de l'arrivée de son remplaçant à Metz, venu faire l'inventaire de ce qui, appartenant à l'École Normale de Metz, devait y revenir. M. Giraud prévenait qu'il retiendrait ce monsieur aussi longtemps que possible, et qu'il fallait les attendre vers 2 heures. En réalité, il avait avancé que son repas étant prêt, il devait déjeuner avant d'aller au Parc, et que M. le Directeur trouverait un repas à Romagne, dans telle auberge-restaurant. Immédiatement, au parc, ce fut le branle-bas. Toutes les élèves, mobilisées par Mlle Tartinville, se hâtèrent d'aller cacher dans la forêt, en particulier dans les terriers de renards, les meilleurs ustensiles de la cuisine, des pièces de vaisselle, du linge, en particulier les grandes nappes bleu, blanc, rouge, des draps, des couvertures, et tout ce que ce monsieur ne devait pas voir. Mlle Hurstel fit mettre à l'abri les instruments les plus utiles du laboratoire. Les élèves connaissaient parfaitement la forêt. Tout fut fait, vite et bien. Vers 2 heures, nous vîmes descendre de voiture, avec M. Giraud, un grand personnage qui arborait l'insigne spécial des trois cents premiers fidèles de Hitler, et qui se présenta cérémonieusement : "Madame le Directrice, je suis votre poursuivant à Metz. Inutile de préciser que, comme on dit chez nous, le mot ne tomba pas dans un sac décousu. Pour nous, ce monsieur demeura le poursuivant de Mme la Directrice. Tout n'avait pu être dissimulé. Le poursuivant fit son inventaire, sans oublier surtout les pianos. Il y avait un piano à queue déjà vieilli, il repartirait ; mais pour le bel Erhart, Mme la Directrice voulut le garder. Elle réussit à se procurer un piano d'assez bel aspect extérieur, mais qui, en réalité, n'était plus qu'une casserole ; et c'est cet instrument qui, avec tout le reste, prit le chemin de Metz. A Romagne, il fallut remplacer tout ce qui avait été repris. Comme toujours, le bureau de lInspection dAcadémie de la Moselle, installé à Poitiers, sous la direction de M. l'inspecteur Forceville, nous aida beaucoup. Les écoles de la région, de Poitiers, dAngoulême, nous offrirent ce qui ne leur était pas nécessaire, et, en particulier, des anciens meubles remisés dans des greniers. On se remeubla, sans luxe, mais suffisamment pour continuer à vivre et à travailler. Mme la Directrice se posa un autre problème : puisque lE.N. était rouverte à Metz, on finirait bien par nous dire que nous n'avions plus de raison d'exister. Elle eut l'idée de suggérer à Monsieur le Recteur une nouvelle affectation. Rien ne serait changé, sinon qu'officiellement, nous ne serions plus E.N., mais Collège pour les Mosellanes repliées. Cette suggestion, on ne pouvait pas la faire passer par la voie officielle, surveillée. Peu après, pour des vacances, je réussis à me rendre en zone libre, afin d'aller revoir mes parents en Dordogne, et, en passant à Périgueux, j'ai porté au Rectorat la lettre de Mme la Directrice. Monsieur le Recteur a reconnu le bien-fondé de la demande, et, par la voie officielle cette fois, il a imposé la nouvelle étiquette de lécole. Nous étions en règle. Rien n'était simple à l'époque : mais je dirai qu'il y avait une petite compensation : le plaisir de jouer un tour au plus fort. Et toujours cette indéracinable certitude que le malheur ne durerait pas".
Extraits du Bulletin de l'Amicale des Anciennes, trois témoignages évoquent la vie quotidienne à Romagne. Les cours à l'école annexe, tout d'abord : "Pour nous préparer à notre mission, voici les stages à Romagne. Un enchantement, ces stages ; à l'école des filles il faut préciser. Dès le samedi soir, une leçon à prépa-rer : c'est le seuil de la magie. Toute une atmosphère bizar-re, mais non sans agrément vous enveloppe tout à coup, tandis que les livres de classe s'enfouissent au plus profond du bureau et que les cahiers de stage remontent à la surfa-ce. Mais le plaisir ne fait que commencer. Le lundi matin, une chouette qui se chante une petite auba-de vous éveille : Aujourd'hui, je vais à l'école annexe. Ta-blier propre, soigneusement repassé, coups de peigne en-core plus minutieux que d'habitude, le lit fait en un rien de temps, les chaussures au pied, très brillantes. Naturel-lement, une compagne qui n'est pas trop désagréable vous accompagne, ce qui augmente encore le charme de la per-spective. Les bienheureuses "stagiaires regardent d'un air détaché, un peu apitoyé, les pauvres compagnes qui révis-ent en hâte ou étudient hygiène ou allemand. Puis à huit heures, descente à la cuisine, à la recherche des appro-visionnements. Alors s'engouffrent dans les serviettes le pain et le fromage, les pommes ou les oranges. Une petite gamelle très gracieuse vous passe entre les mains : elle contient le plat de résistance. >Cliquez ici pour lire la suite
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